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Licenciement nul pour violation d’une liberté fondamentale : l’indemnisation au titre de la période d’éviction est forfaitaire

Lorsqu’un licenciement est jugé nul pour violation d’un droit ou d’une liberté fondamentale, comme celle d’agir en justice, l’indemnisation du salarié au titre des salaires dus entre la date du licenciement et la réintégration est calculée sans pouvoir en déduire les éventuels revenus de remplacement perçus par l’intéressé durant cette période.

Le licenciement prononcé en cas de violation d’une liberté fondamentale est nul. Tel est le cas d’un licenciement intervenu en raison d’une action en justice introduite (ou susceptible d’être introduite) par un salarié à l’encontre de son employeur (cass. soc. 16 mars 2016, n° 14-23589, BC V n° 50 ; cass. soc. 21 novembre 2018, n° 17-11122 FSPB). Le droit d’agir en justice est en effet une liberté fondamentale constitutionnellement garantie (préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, al. 1er ; déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, art. 16).

Dans l’affaire jugée le 21 novembre 2018, la Cour de cassation s’est penchée sur le cas d’un salarié qui avait menacé d’agir en justice contre sa société, en raison, selon ses termes, de la dégradation de ses conditions de travail et de faits de harcèlement moral. Par la suite, l’employeur l’avait licencié pour motif personnel en lui reprochant notamment ces menaces. Le salarié avait alors demandé au conseil des prud’hommes de reconnaître la nullité de son licenciement.

Pour la cour d’appel, la seule référence dans la lettre de rupture à une procédure contentieuse envisagée par le salarié était constitutive d’une atteinte à la liberté fondamentale d’ester en justice. Les juges avaient donc prononcé la nullité du licenciement et la réintégration du salarié dans l’entreprise.

Pour la Cour de cassation, la nullité de la rupture ne faisait pas de doute et, sur ce point, la décision de la cour d’appel était parfaitement justifiée. En revanche, la Haute juridiction a remis en question le calcul par la cour d’appel des indemnités dues au salarié au titre de la période écoulée entre son éviction et sa réintégration.

Pour rappel, dans le cadre d’un licenciement nul, le salarié réintégré a droit au versement des salaires perdus entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (cass. soc. 25 janvier 2006, n° 03-47517, BC V n° 27). En principe, les revenus de remplacement et les rémunérations perçus pendant cette période doivent être déduits de ce versement (cass. soc. 12 février 2008, n° 07-40413, BC V n° 24 ; cass. soc. 14 décembre 2016, n° 14-21325 BC V n° 248).

Cependant, cette règle ne s’applique pas lorsque le licenciement est déclaré nul en raison de la violation d’une liberté ou d’un droit fondamental. Dans ce cas, l’indemnité est considérée comme forfaitaire, en ce qu’elle ne prend pas en considération les éventuels revenus de remplacement qu’a pu percevoir le salarié. Cette solution a déjà été énoncée à propos d’un licenciement prononcé pour des faits de grève et d’un licenciement en raison de l’activité syndicale d’un salarié (cass. soc. 2 février 2006, n° 03-47481, BC V n° 53 ; cass. soc. 9 juillet 2014, n° 13-16434, BC V n° 186).

La Cour de cassation adopte logiquement la même position pour une rupture intervenue en violation de la liberté d’agir en justice. L’arrêt de la cour d’appel a donc été cassé, mais seulement en ce qu’il énonçait la nécessité de déduire les revenus de remplacement du montant des salaires.

Cass. soc. 21 novembre 2018, n° 17-11122 FSPB

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