bj

Newsletter

Vie des affaires

Montage financier

Prêt disproportionné pour acheter une société : la mise en garde de la banque n'est pas systématique

La banque qui prête à une société n’a pas à la mettre en garder contre le caractère disproportionné de l’emprunt si son représentant légal peut être considéré comme un emprunteur averti. Un récent arrêt de la Cour de cassation en donne un exemple.

Achat d’une société par quatre de ses salariés

L’achat est financé par un emprunt bancaire. - Quatre salariés d’une société constituent une holding afin d'acquérir la totalité des parts sociales de la société. Cette acquisition est financée au moyen d'un prêt bancaire, garanti par le cautionnement d’un des salariés, nommé gérant de la holding.

L’emprunt s'avère disproportionné et n’est pas remboursé. - La holding ne parvient pas à rembourser l'emprunt. Elle fait l’objet d’un redressement judiciaire puis d’une liquidation judiciaire.

La banque assigne alors le gérant afin qu’il honore son engagement de caution.

De son côté, le gérant réclame des dommages et intérêts à la banque, lui reprochant de ne pas l’avoir mis en garde contre le caractère disproportionné du prêt consenti à la holding.

La banque a-t-elle manqué à son devoir de mise en garde ?

Non, car le gérant était « averti ». - Les juges saisis du litige notent tout d’abord que, lorsque le prêt a été négocié, le gérant avait une expérience de 5 ans au sein de la société en tant que responsable commercial et en avait doublé le chiffre d'affaires par la mise en place d'une nouvelle stratégie.

Autant dire que le gérant de la holding était parfaitement avisé quant aux possibilités financières de la société achetée.

Les juges soulignent également que le montage juridique avait été effectué via la création de la holding afin, précisément, de concrétiser le financement du rachat de la société par l'endettement.

Ainsi, même si le prêt était disproportionné par rapport aux possibilités de remboursement de la holding, la banque n’avait pas à mettre en garde le gérant car il était parfaitement averti en la matière. Le grief du gérant est ainsi repoussé et la banque obtient sa condamnation.

La Cour de cassation valide et donne la règle. - Le gérant forme alors un recours devant la Cour de cassation. La Cour précise alors que le caractère averti de l'emprunteur, personne morale, s'apprécie effectivement en la personne de son représentant légal.

Bien que le gérant n'ait pas auparavant exercé ses compétences dans une holding, il était toutefois à même de mesurer, par les compétences acquises pendant 5 ans dans la société, le risque d'endettement né de l'octroi du prêt souscrit par la holding, dont il était le gérant. Telle est la conclusion de la Cour qui, en conséquence, repousse le recours.

Cass. com. 4 janvier 2023, n° 15-20117